samedi 10 décembre 2011

Comment mettre en place une taxe sur les transactions financières sans le Royaume Uni

Hier, David Cameron a effectivement bloqué tout espoir d'obtenir une réforme du système bancaire au niveau des 27 pays de l'Europe. Je ne sais pas sur à quel point sa décision a été motivé par le besoin de pacifier les quelque dizaines de députés farouchement eurosceptiques qui lui ont demandé de montrer du "Bulldog spirit" face à l'Europe, ou par le besoin de satisfaire ses financiers de la Cité de Londre qui espèrent prolonger le "business as usual" malgré les déboires de 2008.

J'ai fait de mon mieux pour promouvoir l'idée que l'introduction d'une taxe sur les transactions financière serait fantastique pour les citoyens britanniques. En effet, les transactions financières en Grande-Bretagne dépassent sans doute un million de milliards de livres (c'est un "1" suivi par 15 zéros). Ainsi, avec un taux de 0.1% (celui proposé par la Commission Européenne) le gouvernement Britannique pourrait récupérer jusqu'à 1000 milliards de livres de revenu - une somme largement suffisante pour supprimer toutes les autres taxes (taxes sur le revenue, sur les sociétés, TVA etc), qui elles ne rapportent que 580 milliards par an.

Malheureusement, il semble que la City a suffisamment de pouvoir de lobbying pour faire capoter toute tentative - au moins tant que le gouvernement actuel est en place. C'est vraiment très déprimant.

Mais, il existe un lueur d'espoir. Avec le gouvernement britannique hors jeu, les 26 autres pays de l'Europe pourraient se mettre ensemble pour trouver des solutions plus intelligents. En effet, Sarkozy et Merkel sont tous les deux en faveur d'une taxe sur les transactions financières. Ils sont également en faveur d'une règle d'or qui empêcherait des pays de proposer des budgets déséquilibrés. Dans ces conditions, il me semble qu'il existe une voie très intéressante.

Comme j'ai souvent dit, l'un des attraits d'une Taxe sur les Transactions Financières est le fait que le taux peut être ajusté - chaque jour si nécessaire. Mais un autre avantage est que le taux peut varier selon les pays. Dans sa proposition, la commission Européenne a proposé que lorsqu'une transaction implique deux pays, les deux doivent toucher une partie des revenus. En effet, une moitié irait au gouvernement du pays à l'origine de la transaction, et l'autre moitié au gouvernement du pays receveur.

Or, rien n’empêche d'avoir des taux différents dans les deux pays. Supposons que pour rembourser ses dettes, le taux en Grèce soit de0.3% alors qu'en Allemagne le taux est fixé au niveau de base - disons, 0.1%. Supposons ensuite qu'un tour opérateur en Allemagne ait à verser €100 000 à un hôtel en Grèce. Dans ce cas, le gouvernement Allemand toucherait la moitié de 0.1% des €100 000, c'est à dire €50, et le gouvernement Grec récupérerait la moitié de 0.3%, c'est à dire €150. Coût total de la taxe: €200 ou 0.2%. Et bien évidemment, le taux serait pareil si un importateur Grecque achetait pour €100 000 chez BMW ou chez Mercedes.

Bien sur, si les taux appliqués en Grèce et en Allemagne variaient, cela ne poserait pas de problème. L’Allemagne pourrait garder son taux très bas (car elle aurait les ressources nécessaires), alors que la Grèce (comme l'Espagne, le Portugal, l’Irlande et l'Italie) pourrait appliquer un taux plus élevé afin de rembourser ses dettes. Aucun problème. Il faut dire que, même à 0.3%, le taux serait dix fois plus faible que la taxe sur les transactions de 2.99% appliquée par la quasi-totalité des sociétés de cartes de crédit au Royaume Uni chaque fois qu'un vacancier britannique achète quelque chose à l'étranger!

Je n'arrête pas d'entendre que l'Euro ne pourrait jamais marcher car il serait impossible d'avoir la même devise partout dans une zone avec tant de variations régionales. Ceci est, à mon avis, totalement faux. Il n'y aucun problème pour que le taux de taxation de base en Grèce soit trois fois plus important qu'en Allemagne. Certes, quelqu'un souhaitant spéculer sur les marchés des devises ne déciderait pas de le faire à partir de la Grèce, mais, de toutes les manières, ce type d'activité n'a quasiment aucune véritable utilité. Et je doute que les Grecs puissent être perturbés si les spéculateurs travaillaient ailleurs.

Permettre aux pays de déterminer eux-même le taux à appliquer aurait également des effets très bénéfiques pour la démocratie. Prenons le cas des élections en France prévues pour 2012. Si le mécanisme des FTTs était déjà en place, les différents partis politiques pourraient faire des propositions spécifiques qui seraient financées en fixant le taux au niveau nécessaire. Ainsi, l'UMP pourrait faire campagne en promettant le taux de la taxe le plus bas en minimisant le financement du secteur publique, des retraites etc. En face, les socialistes pourraient proposer de doubler le taux à  0.2% afin de pouvoir augmenter le financement de l'éducation, la recherche, la santé, le transport public, les énergies renouvelables etc, tout en pouvant apporter les garanties d'un budget en équilibre. Dans une telle situation, c'est les électeurs qui pourraient choisir. C'est ça la démocratie.

Bien sûr, il est très difficile de prédire les revenus qui pourraient être générés par une taxe sur les transactions de 0.1% appliquée sur les 26 pays. Le problème est que la B.I.S. (Bank for International Settlements) n'analyse les données que pour 6 de ces pays (France, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Italie et la Suède). Personne n'a la moindre idée des montants des transactions dans des pays aussi critiques que la Grèce, l'Espagne, le Portugal et l'Irlande, sans parler des autres. Il va de soi que la première priorité pour les 26 pays est d'instaurer des rapports détaillés pour tous les pays. Il faut dire qu'avec le Royaume Uni à l’extérieur, les britanniques n'auront plus la possibilité de bloquer l'adoption de tels mesures. Ouf....

Or, je parie que dès qu'une taxe sur les transactions sera installée, il va vite devenir évident que c'est un moyen de taxer bien plus simple à implémenter et bien plus juste que la batterie de taxes actuelles. Et, si l'Eurozone adoptait vraiment ma proposition d'un plan "0-0-0-0.1%", les résultats pourraient être spectaculaires. Je devrait peut être renommer ma propositiion le plan "0-0-0-0.X%" étant donné que le taux de la taxe sur les transactions pourrait varier selon le pays, et dans le temps, si nécessaire.

Et si un tel plan était en vigueur, on peut se demander pourquoi les multinationaux choisiraient de cacher leurs milliards de profits dans des paradis fiscaux contrôlés par les britanniques dans les Îles Anglo-normandes, les Îles Caïmans etc. En effet, avec une taxe sur les sociétés de 0%, ils feront bien mieux de rapatrier leur argent dans l'économie Européenne où ils pourraient en profiter pour faire des investissements. Le transfert pourrait être réalisé pour seulement 0.1% de la valeur.

Et tant pis pour les britanniques si les milliards des multinationales débarquaient sur le continent plutôt qu'à Londres....

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire